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« Dans les profondeurs de la cuisine, derrière la sierra enneigée du frigo, dans l’abrupt ravin qui la séparait du mur, se cachait une toute petite cuillère à thé. Elle vivait là depuis déjà longtemps, oubliée par les locataires précédents qui l’y avaient laissé tomber. Dans sa jeunesse, la petite cuillère avait connu son heure de gloire. Ah ! Tous ces sucres, tous ces cafés, toutes ces somptueuses crèmes caramélées, ces merveilleux gâteaux au chocolat et ces sirupeuses pâtisseries maison. Combien de bouches avait-elle assouvies, quelle jouissance leur avait-elle apporté, à quel degré de gourmandise avait-elle souscrit, elle, à la fois complice principale et arme du crime ! »


Ce conte appartient à la huitième œuvre de Leo Kalovyrnas, un livre qui n’entre nulle part. Il n’entre pas dans les catégories trop lisses du roman, du récit, du conte et de la nouvelle.
A mi-chemin entre le conte et le quotidien, vingt-et-une histoires racontent des créatures étranges, des êtres humains qui retournent leur vie pour voir ce qui est écrit au verso. C’est entre le tic et le tac de l’horloge, là où se nichent les peurs, là où les désirs somnolent, que commence le fil du récit d’histoires que nous voudrions vivre.

Quand le monde était encore tout bébé, avec ses volcans braillards et ses tremblements de terre aux caprices d’enfant gâté, quand les continents n’avaient pas encore réussi à trouver la place qui leur convenait, les fées se faufilaient sous les draps de la réalité, en faisaient une boule et l’avalaient avec une gorgée de limonade car la réalité est dure et souvent difficile à digérer.

L’obscurité est épaisse comme le cul d’une casserole remplie des reliefs d’un repas carbonisé. Les étoiles brodent le ciel en médisant des allers et venues de la lune et les bipèdes pollueurs de planète, la souillent un peu moins car ils se sont endormis pour la plupart. L’obscurité tombe comme du sel fin sur des plaies béantes, les hommes vomissent leurs tourments secrets et les déposent dans le giron de la nuit. La princesse qui n’était pas si gentille que ça se met alors à la recherche de chiffons à poussière d’étoiles, la mauvaise heure mendie un bol de vie, des humains se métamorphosent en plantes plastiques, des écrivains tuent des mots, des photocopieuses font les quatre cents coups, des jeunes gens défont le pull-over de leur vie et des princes aux doux baisers tentent d’échapper à des détectrices de pollution.